Index de l'article

 

  • Article basé sur :
  • Journal de voyage du Lieutenant Colonel avi Binon , chef de mission, et du Capitaine avi Bery.
  • Article de Serge Nemry paru dans Aéro magazine de Septembre 1983.
  • Revue de la Force Aérienne Belge - Décembre 1960.
  • Photos : Bar André - Brackx Daniel - Nemry Serge - Bonfond Serge.
  • Article supervisé en Octobre 2011 par Marcel Vander Stockt.

 

  

4 Juillet 1959 - Opération Simba.

 

Introduction

 

Depuis plusieurs années, la Force Aérienne désire effectuer une liaison Belgique - Congo avec des avions militaires à réaction.
Du point de vue strictement vol, une telle mission n'offre pas de difficultés particulières, à condition de disposer d'un certain nombre d'aérodromes convenables.
Malheureusement, du point de vue logistique, le problème est assez complexe ; en effet, à part quelques aérodromes de la côte Nord de l'Afrique, aucun des aérodromes du continent africain ne disposent de ce qui est indispensable pour les chasseurs à réaction, à savoir le carburant, l'oxygène sous pression, les groupes de démarrage,etc.
La mise en place par la Force Aérienne de tout ce qui est nécessaire pour assurer le soutien logistique de ces avions n'est pas impossible, mais jusqu'à Juillet 1959, elle n'a pu être réalisée en raison du prix énorme qu'elle aurait coûté.
L'utilisation récente par les compagnies civiles de transport aérien  d'avions équipés de turbo-moteurs à toutefois permis la révision du problème et sa réalisation dans des conditions acceptables de prix de revient, vu la mise en place de kérosène sur les aérodromes importants d'Afrique.
Une magnifique opportunité de réaliser une liaison Belgique - Congo se présente à l'occasion des festivités organisées le 11 Juillet 1959 à Kamina, pour le dixième  anniversaire de la base.
C'est au 1Wing de Chasse Tout temps, équipés d'appareils Avro CF-100 qu'est confiée la réalisation de cette première liaison en avion à réaction. 

 

 Etude préliminaire

  

Choix de l'avion et de la route.

Alors que les autorités supérieures ont marqué leur accord pour qu'une section de quatre avions à réaction participe au meeting de Kamina, un comité est chargé de l'étude générale du projet et de la coordination des mesures à prendre.

Le premier problème à résoudre est le choix de l'avion.
Très rapidement, le choix se porte sur le CF-100 pour les raisons suivantes :

  • Bimoteur, d'où sécurité plus grande.
  • Biplace, d'où possibilité d'utiliser des navigateurs ayant déjà l'expérience des liaisons Congo.
  • Rayon d'action appréciable (1600 Nm - 2900 Km)
  • Équipement plus complet pour la navigation que le Hunter et le F-84.
  • Des trois avions en service à la Force Aérienne, c'est lui qui nécessite les pistes les moins longues

Le deuxième problème à résoudre est le choix de la route à suivre.
Pour cela, il faut :

  • Disposer d'aérodromes étant en mesure de fournir du carburant adapté au turbo-moteurs (kérosène) et possédant des pistes convenables.
  • En cas de conditions atmosphériques défavorables, avoir la possibilité de rejoindre un aérodrome de diversion possédant les mêmes avantages.

A première vue, il est très tentant d'utiliser l'itinéraire le plus direct, à savoir Beauvechain - Tripoli - Kano - Léopoldville.
Tous ces aérodromes reçoivent régulièrement les longs-courriers africains, y compris les avions Comet et Britannia, et par conséquent conviennent parfaitement pour recevoir les CF-100.
Malheureusement, la distance la plus longue à franchir, Tripoli - Kano (1300 Nm - 2340 Km) plus la diversion la plus rapprochée Fort Lamy ou Niamey, à 390 Nm (700 Km) est légèrement trop grande pour le rayon d'action utile du CF-100.
De plus, pratiquement aucune aide à la navigation n'existe sur cette étape, la seule radio-balise de Djanet à peu près à mi-distance en plein désert est presque toujours inutilisable. En conséquence, du fait que l'on ne vise pas à réaliser une performance de vitesse, mais bien une mission avec une performance complète pouvant être répétée ultérieurement, cet itinéraire est abandonné pour raison de sécurité.

Un deuxième itinéraire passant par  Alger -  El Goléa - Tamanrasset -  Niamey -  Fort-Lamy - Léopoldville est également abandonné, il nécessite de trop longs délais pour recevoir du carburant sur place. 

Un troisième itinéraire passant par Rome - Athènes - Le Caire - Karthoum - Entebbe - Kamina est aussi abandonné, vu les difficultés pour obtenir les autorisations de survol et d'atterrissage en Egypte et au Soudan.

Reste un quatrième itinéraire à envisager : Beauvechain - Lisbonne - Las Palmas - Dakar - Abidjan - Lagos - Léopoldville.
Cet itinéraire, bien que le plus long, répond exactement à toutes les conditions requises de ravitaillement et de sécurité, à savoir :

  • Carburant sur place moyennement préavis très court.
  • Étapes de 1000 Nm environ.
  • Aérodromes de diversion suffisants.
  • Aides à la navigation nombreuses.
  • Pas de survol prolongé de régions désertiques.
  • Autorisations de survol et d'atterrissage pouvant être obtenues rapidement.

  

  • Photo : A5907-01 : Une carte de l'Afrique colonisée des années 50.
    • ____ la route 1 : Beauvechain - Tripoli - Kano - Léopoldville.
    • ____ la route 2 : Beauvechain - Alger - El Goléa - Tamanrasset - Niamey - Fort-Lamy - Léopoldville.
    • ____ la route 3 : Beauvechain - Rome - Athène - Le Caire - Karthoum - Entebbe - Kamina.
    • ____ la route 4 : Beauvechain - Ota - Las Palmas - Dakar - Abidjan - Lagos - Léopoldville.  

Aussitôt la route fixée, un Project Team est constitué, dont la mission est définie de la façon suivante :

  • Provoquer et coordonner les diverses mesures à prendre.
  • Effectuer une reconnaissance d'itinéraire, faire un choix final des escales et établir le calendrier des mouvements aller et retour.
  • Prendre contact avec le commandant des Forces Métropolitaines d'Afrique et le Commandant de la Base de Kamina aux fins d'établir un programme d'opération à partir de Léo et Kamina et de s'assurer de la disponibilité sur place des moyens logistiques requis.
  • Etablir l'ordre d'opération détaillé du mouvement.
  • Diriger le déplacement du détachement principal prévu au début de Juillet 1959.

Le Project Team est constitué des personnes suivantes :

  • Lieutenant-Colonel avi Binon, Commandant du Groupe de Vol au 15 WTC
  • Major avi Delers, Commandant de la 11e Esc du 1 Wing de Chasse Tout Temps.
  • Major avi Laden, Officier supérieur navigateur au 1 Wing de Chasse Tout Temps.

 

Mission de reconnaissance d'itinéraire.

Aussitôt constitué, au début de Juin 1959, le Project Team établi un plan de travail qui se résume comme suit :

  • Programme d'essai de consommation de carburant et d'oxygène.
  • Établissement des documents pour le voyage.
  • Demande des autorisations de survol et d'atterrissage.
  • Constitution et entraînement des équipes réduites d'entretien des avions durant le voyage.
  • Détermination des lots de pièces de rechange jugées indispensables à emporter.
  • Entraînement des équipages aux procédures spéciales d'atterrissage utilisées par les avions de transport.
  • Aménagement des avions, avec réservoirs supplémentaires en bouts d'ailes et suppression du radar de nez.

Le 11 Juin, un C-119 décolle de Melsbroek pour effectuer la reconnaissance de l'itinéraire envisagé, à savoir :
Lisbonne - Las Palmas - Dakar - Abidjan - Lagos - Léoplodville.

Dès le départ, le Project Team s'attend à ce que la question la plus délicate à régler soit le ravitaillement en oxygène.
A cet effet, douze bonbonnes de 200 kilos sont emportées pour constituer un petit stock de réserve sur les aérodromes qui n'en possèdent pas, et aussi pour être certain d'en disposer dès l'arrivée des avions à réaction.
Les principaux problèmes à résoudre aux aérodromes sont les suivants :

  • Voir si la longueur des pistes est suffisante et si le revêtement convient aux avions à réactions.
  • S'assurer du ravitaillement en carburant et en oxygène.
  • Établir avec les contrôles locaux les procédures d'atterrissage.
  • Mettre au point avec les services météorologiques la transmission de la couverture météo à haute altitude et les prévisions d'atterrissage.
  • S'assurer que les aides à la navigation non permanentes soient mises en action selon nos besoins.
  • S'assurer des possibilités techniques des escales et prendre les arrangements nécessaires avec les services techniques des compagnies aériennes desservant régulièrement ces aérodromes pour obtenir les aides indispensables.
  • S'assurer des possibilités de logement.

Parti le 11 Juin, le C-119 est de retour à Melsbroek le 19 Juin, après avoir mis au point tous les détails de ce qui va être appelé : l'Opération Simba.

Les enseignements de ce voyage de reconnaissance sont les suivants :

  • Aucune aide technique appréciable ne peut être reçue aux escales.
  • Deux C-119 seront mis en ligne pour transporter le personnel et le matériel nécessaire à la mise en oeuvre de la formation des CF-100.
  • Un calendrier des déplacements est établi afin qu'il y aie toujours un C-119 à chaque escale accompagné de son équipe technique.
  • Vu les grandes différences de vitesse entre les deux types d'avions, il n'est pas possible d'avoir un C-119 à la dernière étape du jour, avant l'atterrissage des CF-100, c'est pourquoi il est décidé que les équipages devront ravitailler eux-mêmes les réservoirs afin de gagner du temps.

 

Les équipages

 

Après le retour de la mission de reconnaissance, le nom des équipages est connu :

 Paire n°1 :
Pilote Nr.1    Leader    Maj   Cyriel    Delers    11Sqn  AX-**   
Navigateur    Maj Edouard    Laden 11Sqn AX-**
Pilote Nr.2   Lt Pierre Hallaux               349Sqn    AX-44
Navigateur   Capt   Raymond   Pollet 350Sqn AX-44

 Paire n°2 :
Pilote Nr.3    Leader    Lt    Marcel    Van der Stockt    349Sqn    AX-23  
Navigateur   Capt    Georges    Bery 350Sqn AX-23
Pilote Nr.4   Adj Jan Elen 11Sqn AX-**
Navigateur   Adj Pierre De Clercq 11Sqn AX-**

 

Equipage de réserve et officiers de liaison :
Pilote    Capt    André    Opdebeek   
Navigateur    1Sgt Freddy Huggenberger   

 

 

Équipement spécial 

Outre le matériel de sauvetage obligatoire à bord du CF-100, l'équipement suivant est emporté par chaque membre d'équipage :

  • Émetteur-récepteur portatif personnel.
  • Ration d'eau en boites et en gourdes.
  • Gilet spécial de sauvetage comprenant des médicaments et du matériel de signalisation.
  • Une ration de vivres concentrés.

 

Derniers préparatifs


Chaque étape ayant été préparée minutieusement; des cartes portant tous les renseignements indispensables à la navigation sont distribuées aux équipages.
Un briefing général est donné à Beauvechain au cours duquel l'ensemble de la mission est minutieusement expliqué ; le rôle de chacun des participants étant bien défini.
Les cartes d'approche des aérodromes de destination et de diversion sont distribuées, et les procédures expliquées.
De plus, le médecin de la Base fait un exposé sur l'hygiène tropicale et les moyens de survie en brousse et dans le désert.

 

 

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