Catégorie : Appendices
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27 Avril 1953 - Dernier vol du EN7 KT-X.

 

Nous sommes le 27 avril 1953 au dispersal de la 10ème Escadrille de Chasse de Nuit qui est à cette époque sous les ordres du Maj Avi Firmin Capon.
Un jour comme un autre ? Peut-être, c’est lundi matin, et comme d’habitude, les activités sont très réduites ; du au fait que les avions doivent être mis en ligne, et d’autre part, du à l’état physique de certains de ces messieurs les pilotes et navigateurs.

Willy Van de Perre se repose (ou plutôt récupère) d’un week-end turbulent dans les cafés de la rue Koningsplein d’Anvers avec ses grands copains Rog Van Santvoort et Ray Kapiteyn.
Les fauteuils de pilote bien connus sont les meilleures berceuses, soudain le commandant de vol le Capt Albert « Papa » Van Hamme vient casser ce repos serein avec les mots :
 - « Y a-t-il quelqu’un parmi vous qui a envie de faire un vol de familiarisation avec le Meteor NF11 ? ».


Deux pilotes se réveillent soudainement, l’un, Willy Van de Perre,  et l’autre,  Pierre-André « Tich » Haegeman, qui tentait d’oublier dans l’autre fauteuil ces aventures nocturnes à « Brussels by night » !
Willy réagit le premier et décide de faire en ce jour son premier vol sur le nouveau chasseur de nuit.

Il reçoit un briefing, plutôt succinct, par le Lt Camille Bouchat de la 11ème Escadrille, qui a alors une soixantaine d’heures de vol sur Meteor 7 et Meteor NF11.
Willy, qui a de son côté quelques 260 heures en Meteor 4, Meteor 7 et Meteor 8 se demande ce que ce Camille peut bien lui apprendre.
Le briefing en sera d’autant plus court que court,  et Willy part à l’avion, fier comme un paon, avec son livret vert « Pilot’s Notes for Metero NF11 » sous le bras. 

 

Pilots Notes Meteor NF1104

 

L’avion qui lui est attribué est le EN-7 (KT-X), et Willy dit au Crew-Chief :
- « Ca c’est certainement un avion pour se crasher ! »  

Dans son escadrille précédente, la 7ème Escadrille à Chièvres, il y avait un Meteor 8, le EG14 7J-X (le plus souvent volé par Willy Leloup), qui jouait parfois des mauvais tours aux pilotes en ayant une série de pannes, des graves et des moins graves.
Encore quelques bons conseils du Crew-Chief et Willy peut entreprendre son premier vol en compagnie de Marcel Lemaire.

Le décollage est assez long...  Dans un Meteor 8, cela va bien plus vite !
Ce NF11, avec ses réservoirs d’ailes et son équipement radar est beaucoup plus lourd. (Est-il utile de dire, que cela a été mentionné lors du briefing et que c’est également écrit dans le livret vert ! ).

Etant donné que l'appareil est "fuelé" au maximum, Willydécide d’aller à la côte et de revenir vers la base via Coxyde et Chièvres afin de brûler le fuel supplémentaire.
Ainsi dit ainsi fait ; mais il y eu un noeux dans le câble !  Murphy et les dieux de la météo s'en vont mettre un cheveu dans la soupe.
La météo devient de plus en plus mauvaise, avec un front ou l’autre, probablement prévu dans le briefing météo !
700 pieds de plafond avec de la pluie intermittente qui fait danser les deux poupées entre Coxyde et Chièvres.

Un moteur qui lâche, pas grave, un Meteor s’en sort bien avec un seul moteur.
Tirer le throttle du moteur mort vers l’arrière, couper la valve haute pression (HP Cock),trimmer l’avion et essayer de redémarrer cette centrifugeuse. Mais soudain, l’autre moteur dit également zut !

 

 

Calme total, Willy et Marcel se retrouve dans un planeur ! et il n’y a pas grand chose à planer, à 700 pieds du sol !
Alors, atterrissons parmi les vaches, car c'est trop bas pour sauter en parachute, car il n’y a pas de sièges éjectable sur les NF11 !

Pendant que Willy envoie son « May-Day » trois fois dans la radio, il voit apparaître à travers la pluie la plus belle piste d’atterrissage du monde, et en plus juste devant son nez. (Il apparût plus tard qu'il s’agissait de la piste plutôt courte de Wevelgem.)
Encore crier un « May-Day », sortir les aéro-freins, le train, et en avant vers la piste... !
Le NF11 est plutôt du côté des poids lourd et avec ce plongeon, la vitesse ne paraît pas diminuer ; de plus, catastrophe, le vent est plein arrière.
Alors, c’est parti pour un peu de « crazy-flying » pour réduire la vitesse. Willy plaque son avion au sol et martèle ses freins, sans beaucoup d’effet, effectivement, la piste est assez mouillée.
Plus grave encore, le moteur qui a coupé le dernier, se remet à tourner plein gaz !
C’est vrai, la valve haute pression de ce moteur doit encore être coupée. Un rien brutal, Willy a du coup le levier en main !

La fin de piste approche, beaucoup trop tôt... et le Meteor évite de peu un C-119 qui vient de recevoir l’autorisation de démarrer.
Le commandant de bord, Willy Leloup, aperçoit le bolide incontrôlé de Willy Van de Perre juste à temps pour pouvoir éviter une collision fatale.

Une fois le bout de piste dépassé, Willy fait un rodéo à travers champ, évite un petit bâtiment peint en rouge et blanc de quelques millimètres et s’arrête finalement avec le nez dans un ruisseau d’eau usée mal odorantes… !

Couper les interrupteurs et voir l'étendue des dégâts !
Marcel n’est heureusement pas blessé et a déjà quitté l’appareil.
Le radôme a disparu, les réservoirs d’ailes apparemment aussi, et il y a un pli dans la section arrière du fuselage...
Puis tout à coup, le pilote du C-119, Willy Laloup est là, qui se tient à côté de Willy Van de Perre :
-  « Tout est OK ? »

Plus tard, au bar, un whisky à la main, Willy et Marcel apprendront que le petit bâtiment rouge et blanc était un ancien « bunker » allemand.
Ils apprendront également plus tard que le système d'alimentation en carburant du Meteor NF11, est différent de celui du Meteor F8.  Celui du Meteor 8 est automatique, tandis que celui du Meteor NF11 est manuel.
Un briefing un peu plus long, ou une lecture plus approfondie du livret vert aurait probablement permis de souligner cette particularité...

 

ADC Avi e.r. Jan Govaerts

 

 

 

Voir page suivante pour une comparaison entre les deux systèmes d'alimentation en carburant.

 


 

Comparaison Systèmes carburant 

Meteor F8 & Meteor NF11

 

 Les documents ci dessous sont issus directement des Pilot's Notes for Meteor 8 et Pilot's Notes for Meteor NF11.

 

 

Les deux premières photos (A530427-10 & A530427-11) nous montrent le schéma d'alimentation simplifié d'un Meteor F8, et la troisième, un extrait du descriptif traitant du transfert de carburant.
Le carburant interne du Meteor 8 est contenu dans deux réservoirs de fuselage :

  1. Un réservoir avant d'une contenance de 95 gallons ( 360 litres)
  2. Un réservoir arrière d'une contenance de 325 gallons divisé en deux parties égales de 162.5 gallons (615 litres) chacunes.
    La partie avant du réservoir alimente le moteur n°1 (gauche) tandis que la partie arrière alimente elle, le moteur N°2 (droit).
    Les deux parties étant inter connectées via une vanne d'équilibrage appelée "Balance Cock". (voir photo A530427-11)

Un réservoir ventral d'une contenance de 175 gallons (660 litres) ainsi que deux réservoirs pendulaires d'aile de 2 x 100 gallons (2 x 380 litres) peuvent être ajoutés.

Lorsque le niveau de carburant dans le réservoir avant diminue, le carburant contenu dans les réservoirs externes y est transféré par pression d'air, cette dernière étant soutirée aux compresseurs moteur.
Le transfert est automatique, et aucune manipulation au cockpit n'est nécessaire. (voir A530427-12)

 

 

Les quelques photos suivantes nous permettent de voir les différences principales entre les deux systèmes d'alimentation.

Le carburant interne du Meteor NF11 est contenu dans un seul réservoir, le réservoir avant ayant été supprimé afin de pouvoir agrandir le poste de pilotage qui comporte désormais un habitacle arrière réservé au navigateur.

Le réservoir principal est tout comme celui du Meteor F8, d'une capacité de 325 gallons, et est aussi divisé en deux parties égales de 162.5 gallons.
Ici aussi, la partie avant du réservoir alimente le moteur gauche, tandis que la partie arrière alimente le moteur droit, les deux parties étant inter-connectées par le même type de valve d'équilibrage que dans la version Mk8. (Balance Cock)

Un réservoir ventral de 175 gallons est quasi toujours installé, mais deux réservoirs pendulaires de 2 x 100 gallons peuvent être ajoutés. 

La différence essentielle entre les deux systèmes se situe dans ce qui suit :

Le carburant contenu dans les réservoirs externes est transféré dans les deux compartiments du réservoir principal par pression d'air tirée des compresseurs moteur, cette pression étant contrôlée par une poignée (T-Handle) située dans la partie supérieure gauche du panneau d'instruments principal du pilote. (A-82.6 & A-82.7)
La poignée se tourne dans le sens anti-horlogique depuis la position verticale OFF,  jusqu'à une position située à 90°,  BELLY ON (afin de transférer le carburant depuis le Ventral) ; et ensuite jusqu'à position verticale suivante, WING ON (transfer depuis les réservoirs pendulaires)
Lorsque le T-Handle est dans la position "Belly On" ou "Wing On", un témoin lumineux rouge "Fuel Transfer" situé à gauche des jauges à carburant, s'allume jusqu'à ce que la pression dans la conduite de transfert atteigne la valeur de 1 PSI (0.07 kg/cm2), puis il s'éteint.
Lorsque la totalité du carburant se trouvant dans le réservoir sélecté est transféré, ou dans l'éventualité d'un défaut dans le système de transfer, le témoin rouge s'allume et reste allumé pour au moins 5 minutes, jusqu'au repositionnement du T-Handle en OFF. 

 

Conclusion :

Le système de carburant du Meteor T7, est en tout points similaire à celui du Meteor NF11. 
Des trois types de Meteor utilisés à cette époque à Beauvechain, (Meteor F8 - Meteor T7 - Meteor NF11),  le Mk 8 était donc le seul à disposer d'un système de transfert complètement automatique.
Il est donc tout à fait possible qu'une erreur de gestion de ce système soit à l'origine de l'accident du EN-7, de là,  le commentaire de l'ADC Jan Govaerts